Interview de
Ricardo Mbarakpar Alexandre Gurita
Décembre 2000
Alexandre Gurita : Par LebaneseGroup, tu affirmes une position sociale. Comment tu considères que l'artiste s'inscrit dans la société ?
Ricardo Mbarak : La différence entre l'artiste et les autres citoyens est dans la participation aux règles sociales. L'artiste, en agissant sur les modes de développement de sa société, n'est pas un simple contemplateur, il problématise et actualise des données qui engagent par défaut le public. Je me positionne par rapport à l'autre. Un artiste absent dans la société n'en est pas un.
AG : Comment tu dépasses le rapport entre l'art et la société tel qu'il a été défini et pratiqué dans les années 65, ceci considérant que l'art est par nature social?
RM : Dans les années 65, les artistes ont opéré avec des moyens traditionnels de l'art, ce qui était convenable à leur époque. Le dépassement se fait dans le rapport entre moi et les publics avec lesquels je n'entretiens pas une relation à sens unique, les publics comptent sur moi pour reformuler et formaliser leurs propres souhaits. En cela, ils m'apprennent, m'aident, m'aiment, me supportent, m'élèvent. Je suis en quelque sorte le fruit de mon public dans le sens
maternel du terme. Je me demande qui est public de qui.
AG : Quelle est la matière première avec laquelle tu formes ton ouvre ?
RM : Cette matière est pour l'essentiel faite des sujets traités ou discutés entre les gens. Pour former l'ouvre, il suffit ensuite de trouver un rapport capable de porter ce traitement sans l'envahir et sans lui arracher sa valeur initiale : l'avis personnel de chacun.
AG : Tu es sculpteur, peintre ou artiste multimédia ?
RM : La forme de mon ouvre est une régulation entre les différentes cohabitations à tendance conflictuelles. C'est l'assemblage et l'approbation de ce qui est dit par les autres. Les parties sélectionnées et mises en relief révèlent ma place en tant qu'artiste. Dans ce sens, je suis sculpteur de positionnement et des formes du pouvoir collectif.
AG : Comment tu procèdes à la construction de tes ouvres ?
RM : D'abord je mets en place un cadre qui rend possible la coexistence de multiples points de vue diffusés par les publics. Ensuite, je sélectionne ce qui me paraît le plus compatible avec l'intention et la forme souhaitée. J'assemble ces sélections pour les rediffuser à l'extérieur de ce cadre, comme si ce sont les publics qui parlent à ma place. Par exemple dans mes articles de
presse sur Lebanese Group ou il était question du retrait israélien du Liban, j'ai montré ma position en utilisant une sélection de messages écrits par des membres du groupe, tout en gardant l'intégralité les textes d'origine pour que le lecteur puisse les consulter.
AG : Comment tu mesures ton oeuvre ?
RM : Par le dosage du différent et du commun que j'assemble pour donner des formes accessibles au vécu des gens.
AG : C'est quoi pour toi le rapport entre l'art et la religion ?
RM : L'exposition est une cérémonie, un temps fort, une occasion ou encore une fête. Le rapport entre l'art et l'artiste c'est comme celui entre la religion et le prêtre. Dans ce sens, l'exposition sera la messe de l'art.
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