Quelques éclaircissements sur la
SÉMANTIQUE GÉNÉRALE
Objectifs 1 - Août 1984
Vous avez pu remarquer, sur les panneaux de l'école, qu'étaient affichés des cours de sémantique générale. Cette discipline étant peu répandue en France, beaucoup de gens ignorent de quoi il s'agit. Certaines personnes m'ont fait part de leurs appréhensions, pensant que ce mot recouvrait des choses trop compliquées ou incompréhensibles, qui n'avaient pas lieu d'être enseignées à l'hôpital.
Or la sémantique générale traite de choses auxquelles nous sommes confrontés dans la vie de tous les jours. Elle permet de mettre de l'ordre dans ses pensées, d'échapper aux pièges que nous tend notre langage et de ne plus s'empoisonner l'existence avec des questions qui n'ont pas de sens. Et comme elle me rend de grands services dans ma vie personnelle, je ne vois pas pourquoi je n'en ferais pas profiter les autres, à partir du moment où ils sont intéressés et où ils ont envie de savoir de quoi il s'agit.
Aujourd'hui on entend beaucoup de gens déplorer que notre civilisation soit très développée dans les domaines scientifiques et techniques alors que, dans d'autres domaines, elle est restée à des niveaux qui semblent beaucoup plus primitifs. Ainsi, dans le domaine technique, il est possible de faire des plans dont on peut prévoir le résultat, et si ces plans sont corrects et leur réalisation bien menée, les résultats sont conformes à ce qu'on en attend: les machines fonctionnent, les maisons tiennent debout, les ponts ne s'effondrent pas.
Par contre, en matière économique, politique et sociale, ce qu'on appelle les "affaires humaines", les prévisions sont la plupart du temps incertaines et il y a de grandes différences entre les résultats qu'on attendait et ce qui arrive effectivement.
Or, dans le domaine technique, le langage utilise correspond a ce qui se passe dans la réalité. Quand vous dites 1 + 1 = 2, tout le monde comprend ce que ça veut dire et chacun comprend la même chose. Si vous avez devant vous un morceau de sucre et si vous en mettez un autre a côté, vous aurez deux morceaux de sucre.
Par contre, beaucoup de mots que nous utilisons dans la vie de tous les jours n'auront pas le même sens pour plusieurs personnes. Par exemple, si vous demandez à dix personnes ce que veut dire "bien" ou "mal", vous aurez dix réponses différentes: les mêmes choses seront "bien" pour certains et "mal" pour d'autres. C'est pourquoi, dans la conversation, les gens ne se comprennent pas toujours, d'où les problèmes de communication, souvent incertaine ou déformée, et les répercussions sur le comportement des gens.
Le but de la sémantique générale est de réduire le plus possible ces problèmes de communication et ainsi de faciliter les relations entre les gens en utilisant des mots qui correspondent à ce qui se passe dans la réalité.
I1 est impossible de résumer en un article les principes de la Sémantique générale. Je vous présenterai donc un principe par numéro en l'expliquant et en trouvant des exemples dans la vie quotidienne, ce qui permettra à ceux qui les ont étudiés de se les remettre en mémoire et aux autres qui sont intéressés, de savoir de quoi il en retourne.
I1 existe plusieurs ouvrages sur la question:
- "Le Monde du non-A"
- "Les Joueurs du non-A" de Van Vogt, collection "J'ai Lu"
- "La Fin du non-A"
- "Introduction à la Sémantique Générale de Korzybski" de H. Bulla de Villaret, édition "Le Courrier du Livre"
'L'ORGANISME COMME UN TOUT"
La sémantique générale considère l'homme comme un tout psychosomatique dans son milieu qui le pénètre et auquel il réagit.
Que veut dire cette phrase?
Autrefois on ne voyait pas les humains comme aujourd'hui. On pensait que nous étions composes d'un corps et d'un esprit, qu'il y avait l'esprit d'un côté et la matière de l'autre et que les maladies du corps et celles de l'esprit n'avaient rien à voir les unes avec les autres. Quand on observait quelqu'un, on regardait la personne sans voir le milieu dans lequel elle vivait.
Depuis, de nombreuses découvertes ont été faites sur notre organisme, sur nous-mêmes. On commence à comprendre le fonctionnement du cerveau, même si beaucoup de choses dans ce domaine restent encore inconnues. On a découvert que certaines maladies du corps avaient une origine psychique et que l'environnement dans lequel nous vivons, qu'il est malsain pour nous, peut provoquer certains troubles que nous n'aurions pas eus dans un environnement sain.
Exemple: si vous prenez une truite, vivante, en bonne santé, qui est faite pour vivre dans de l'eau de rivière et si vous la plongez dans un bocal d'eau de mer, vous allez constater au bout de quelques temps qu'elle va flotter a la surface, le ventre en l'air; elle crèvera rapidement parce qu'elle n'est pas faite pour vivre dans l'eau de mer. Ainsi, la truite sera morte parce que le milieu dans lequel on l'a plongée, l'eau de mer, n'était pas adapté à son organisme et a provoque dans son corps de truite des modifications incompatibles avec sa vie de truite.
Si vous ne tenez pas compte du fait que la truite est faite pour vivre dans l'eau douce, et si vous dites: "Cette imbécile de truite a crevé dans mon bocal d'eau de mer, elle devait être malade", vous faites une erreur grossière : vous ne tenez pas compte de l'importance de son milieu et vous attribuez à la truite une maladie qu'elle n'avait pas, vous avez provoqué sa mort en la plongeant dans un milieu malsain pour elle alors que si vous l'aviez mise dans un bocal d'eau douce, elle aurait vécu.
Depuis quelques années, on a découvert que notre cerveau était fait pour apprendre, c'est à dire pour accumuler des informations. Notre cerveau comporte une partie qui s'appelle le cortex. Chaque millimètre carré de notre cortex comporte 40 000 cellules et chacune de ces cellules peut recevoir 20 000 informations à la seconde. Dans un cerveau humain, l'information est dix mille fois plus concentrée que dans un ordinateur.
A quoi vont nous servir les informations que nous emmagasinons? Elles vont nous permettre d'AGIR, d'agir sur notre environnement, sur ce qui nous entoure; cela peut être parler avec quelqu'un, jouer au foot, servir a la cafétéria, etc., et, comme le dit Henri Laborit, " ce n'est qu'en agissant sur notre environnement que nous pouvons satisfaire notre besoin de bien-être, de plaisir." C'est pourquoi, quand dans une journée nous avons fait des choses qui nous intéressent, quand nous avons rencontré des gens qui nous plaisent, nous nous sentons bien, nous sommes content de nous. Quand nous sommes avec des gens qui ont une bonne opinion de nous, qui nous encouragent et nous font confiance, nous arrivons à faire des choses positives avec eux, ils nous apportent quelque chose et nous leur apportons quelque chose. Nous nous sentons détendus, confiants.
Par contre si nous sommes avec des gens qui nous sont hostiles, qui nous critiquent sans arrêt et nous renvoient une mauvaise opinion de nous-mêmes ("Tu n'es qu'un incapable, tu n'arriveras jamais a rien,") ou des gens dont nous avons peur, nous allons douter de nous-mêmes, nous nous sentirons bloqués. I1 va être alors beaucoup plus difficile d'agir et nous nous sentirons mal.
Si nous pouvons quitter ces gens ou les obliger à changer d'attitude à notre égard, nous nous sentirons bien à nouveau. Mais si nous ne le pouvons pas, nous nous sentirons bloqués, prisonniers, nous serons inquiets et tendus.
Quand nous sommes tendus sans arrêt, nos muscles sont contractés, nous respirons moins bien et notre système nerveux produit des substances qui vont diminuer notre sommeil et notre résistance aux infections. Ces substances s'appellent le cortisol et la norépinéphrine. Nous dormirons mal et attraperons plus facilement des maladies.
Quand nous nous sentons mal, nous avons toujours des raisons. Cela ne veut pas forcément dire que notre cerveau est malade mais plutôt que nous n'arrivons pas à changer les situations dans lesquelles nous nous sentons mal.
Pourtant il est très possible de s'en sortir, à condition de le vouloir d'abord et ensuite de trouver les moyens de changer les situations dans lesquelles nous sommes bloquées, en agissant correctement dans ces situations, en adaptant notre attitude de façon à affronter les difficultés et à les résoudre. I1 y a toujours une solution, il suffit de la trouver. Et comme le disait si justement Marie-Annick l'autre jour à l'école: "Nous ne sommes pas sur terre pour souffrir."
Isabelle Baudron
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Objectifs 2 : Janvier 85
Chapitre 2
I Cortex - Thalamus:
I1 a fallu très longtemps, des milliers d'années, pour que notre cerveau atteigne son développement actuel. Certaines parties de ce cerveau sont plus anciennes que d'autres; la partie appelée thalamus est plus ancienne que le cortex: Le thalamus est, entre autres, le siège des émotions. Le cortex est le siège du langage, l'outil de la réflexion. Grâce au thalamus, nous éprouvons des émotions, des sentiments. Grâce au cortex nous pouvons les décrire et réfléchir à ce qui se passe en nous et autour de nous en utilisant le langage parlé et l'écriture.
Les animaux possèdent un thalamus mais pas de cortex. Ils peuvent sentir, souffrir mais ne peuvent réfléchir ni décrire ce qui se passe en eux ni autour d'eux. Les rats, par exemple, peuvent repérer de la nourriture dans une maison mais ils ne peuvent pas faire un plan de la maison ni établir une stratégie pour dévaliser les humains et échapper aux pièges à rat et au grain empoisonné, heureusement pour nous.
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(Vous avez sous les yeux 2 cartes du cerveau: elles vous donnent certaines indications mais, comme toutes les cartes, elles sont incomplètes. Ne confondez pas la carte et ce qu'elle représente; en Sémantique générale, on dit qu’ "une carte n'est pas le territoire" et qu'"elle ne représente pas tout le territoire". De même si l'on compare le langage à une carte verbale, il faut savoir qu'il ne peut rendre compte totalement des faits que nous voulons décrire, encore moins avec une totale fidélité, car le sens des mots varie d'une personne à une autre et d'une situation a une autre.
C'est pourquoi il est fortement conseillé d'être prudent et vigilant à l'égard du langage, de réfléchir avant de parler si nous voulons être compris et de faire attention aux mots que nous entendons avant de les croire: ce n'est pas parce que quelqu'un nous dit quelque chose que cette chose est forcement vraie.)
II Le langage: un lien entre les humains :
Le développement du cerveau a permis d'élaborer un outil de communication unique à notre espèce: le langage écrit. Grâce a lui, des personnes vivant à des époques et dans des lieux différents peuvent communiquer: il nous permet de savoir comment vivaient des Grecs ou des Chinois morts depuis plusieurs siècles.
Mais si le langage est un outil important, il est aussi très important de savoir l'utiliser correctement.
III Attention aux réactions sémantiques:
Nous savons aujourd'hui que les circonstances dans lesquelles nous avons appris à parler restent attachées dans notre mémoire à l'emploi des mots: les émotions que nous avons éprouvées quand nous avons appris les mots étant petits reviennent quand nous utilisons ces mots, comme pour la musique: certaines chansons nous sont agréables ou désagréables selon qu'elles nous rappellent de bons ou de mauvais souvenirs; quand nous les entendons, nous éprouvons les mêmes émotions qu'au moment où nous les avons apprises.
Avec les mots, c'est le même phénomène. Quand nous avons appris certains mots, si notre entourage nous a dit qu'il ne fallait pas "parler de ça", nous nous sentirons mal à l'aise plus tard quand nous les entendrons ou les utiliserons. C'est ce qu'on appelle la "puissance d'évocation des mots" : l'emploi de certains mots provoque en nous des sentiments de peur, de honte ou d'angoisse liés au contexte dans lequel nous les avons appris. Or ce contexte n'existe plus, nous ne sommes plus dans la même situation qu'étant enfants et les émotions que nous avons alors ressenties n'ont plus lieu d'être.
En sémantique générale, on appelle ces émotions liées à l'emploi des mots des "réactions sémantiques". Ces émotions se répercutent dans notre corps, entraînant des modifications au niveau des cellules, modification chimiques, électriques et colloïdales (les colloïdes sont une sorte de glu qui "colle" les molécules entre elles) et pouvant entraîner des maladies psychosomatiques.
Si nous nous laissons dominer par ces émotions, nous réagissons de façon mal adaptée, nous nous laissons manipuler par les mots en leur accordant une importance qu'ils n'ont pas. Nous utilisons notre cerveau de façon incomplète en faisant marcher notre thalamus et non notre cortex. Nous nous comportons davantage comme des animaux que comme des humains.
IV Pour combattre les sentiments parasites: la pause cortico-thalamique:
Comment allons-nous alors faire fonctionner notre cortex?
- D'abord, il faut être au courant de son existence et savoir à quoi il sert, ce que vous savez maintenant si vous avez lu attentivement ce qui précède.
- En suite il faut décider de ne plus se laisser avoir par les mots que l'on entend; ces mots sont là pour que nous les utilisions, nous ne sommes pas là pour être utilisés par eux, sinon ils deviennent des parasites.
- Puis, quand nous sentons qu'un mot provoque en nous une émotion désagréable, faisons l'exercice suivant:
Respirons profondément et rejetons l'air de nos poumons en pensant fortement à l'air qui entre et qui ressort. Faisons cela plusieurs fois. Résultat: nos muscles se détendent, notre coeur bat moins vite, nous reprenons possession de nos moyens et nous nous contrôlons mieux. Quand nous revenons ensuite au mot, le sentiment désagréable diminue et nous réalisons qu'il n'y a pas de quoi s'énerver pour si peu. Nous nous sentons plus forts, plus maîtres de nous et pouvons faire ce que nous avons à faire.
En sémantique générale, on appelle cet exercice une "pause cortico-thalamique "parce qu'il nous permet de nous arrêter un instant pour contrôler nos émotions, il accroît le rôle du cortex sur nos comportements, ce qui permet de réfléchir avant d'agir.
Essayez, ça ne coûte pas cher et ça marche; c'est une question d'entraînement et de volonté; plus vous ferez cet exercice et plus vous serez maître de vous-mêmes. Vous pouvez l'utiliser dans toutes les situations stressantes, quand vous sentez la peur, l'angoisse, la honte ou la colère vous envahir, pensez à la pause cortico-thalamique, respirez amplement pendant quelques secondes et reprenez le contrôle de la situation.
V Conclusion: à la conquête de notre espace intérieur:
Une bonne partie de nos ennuis sur cette planète vient de ce que nous n'avons pas encore appris à utiliser correctement notre cerveau: nous avons à notre disposition un outil merveilleux mais le mode d'emploi n'est pas livré avec.
Quelqu'un a dit que l'étape de l'évolution entre le singe et l'homme, c'était nous. Notre évolution n'est pas terminée et si notre civilisation et d'autres ont trouvé un certain nombre d'informations sur l'utilisation de notre tête, il reste encore beaucoup à découvrir. A nous, si nous le voulons, de devenir les explorateurs de notre espace intérieur.
I. Baudron
Bibliographie:
"Introduction a. la Sémantique générale" H. Bulla de Villaret
"Science and Sanity" Alfred Korzybski
"Le Monde du non-A", "Les Joueurs du non-A Fin du non-A" Van Vogt
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Suite:
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