LE POINT SUR LE GROUPE B 23
GROUPE PETITE ECOLE
Début : Janvier 1984
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Le journal "OBJECTIF" est le fruit du travail commun de soignants et de soignés des deux secteurs, T. et B. , participant au groupe B 23.
L'idée de ce journal a d'abord été exprimée par les soignes désireux de faire des comptes-rendus de ce qu'ils vivent dans le groupe, certains voulant publier des articles, d'autres, des photos, dessins, etc., et émettant le vœu de participer au tirage.
Au départ nous avons fait paraître les premiers articles sur l'école dans le Messager de Janvier mais, avec l'arrêt de ce dernier il y a quelques mois, nous nous sommes vus privés de ce moyen de diffusion de l'information, indispensable si nous ne voulons pas que le groupe se referme sur lui-même.
Nous avons donc décidé de faire ce numéro, en utilisant le procédé de photocopie, plus facile a utiliser que la machine a alcool et offrant davantage de possibilités.
L'objectif du moment étant d'informer, nous vous présentons aujourd'hui le groupe B 23. Pour plus de clarté nous avons adopté le plan suivant: son origine, ses buts, sa structure, son éthique, le bilan des activités depuis Janvier, les activités prévues pour l'avenir.
I ORIGINE :
A l'origine du groupe, le désir de soignants de réagir contre la chronicité résultant des hospitalisations prolongées, contre la "névrose institutionnelle", pour reprendre l'expression du psychiatre anglais Barton, qui définit comme “ une maladie caractérisée par l'apathie, le manque d'initiatives, la perte de l'intérêt, spécialement pour les choses qui ne concernent pas directement le malade, la soumission passive, l'inaptitude apparente à élaborer des plans pour l'avenir, le manque d'individualité ” dont Barton tient pour causes probables la perte du contact avec le monde extérieur, l'oisiveté forcée et le manque de responsabilité, le paternalisme du personnel, la perte des amis, des biens et des événements personnels, les médicaments, l'atmosphère du pavillon et la perte des perspectives extérieures à l'hôpital.
A la demande du médecin chef a donc été élaboré un projet d'occupation et d'ouverture sur l'extérieur pour les hospitalises susceptibles de se resocialiser, leur offrant des activités leur permettant de prendre conscience de leurs possibilités intellectuelles, physiques et artistiques et de les exploiter, en bref, mettre en valeur leurs cotés positifs, ce qui va bien chez eux, plutôt que leurs cotés pathologiques.
Dans le projet, le groupe est ouvert aux hospitalisés et aux soignants des deux secteurs de façon à pouvoir fonctionner avec les effectifs actuels: il suffit que quelques personnes acceptent de donner un peu de leur temps, une heure par mois, pour que le groupe fonctionne. La plupart des activités se déroulant à l'intérieur de l'établissement, celles-ci sont possibles aux heures creuses avec un effectif minimum.
Le groupe fonctionne avec un système de volontariat: aucune activité n'est obligatoire, ainsi n'y participent que les gens, soignés ou soignants, qui sont intéressés.
Une fois élaboré, le projet a alors été présenté aux soignant des deux secteurs. Certains se sont déterminés pour y participer et une réunion a eu lieu avec les hospitalisés et les soignants volontaires. Ces derniers ont exposé leurs possibilités respectives et les soignés ont exprimé leurs désirs et leurs centres d'intérêt.(voir Messager de Janvier)
II BUTS
Les buts de l'école ont déjà été exposés dans le Messager de Janvier. Nous nous bornerons donc à un résumé et à quelques précisions supplémentaires:
1) Accès à des connaissances: par le biais de l'école: partage du savoir, revalorisation des soignés en mettant a leur portée des connaissances qu'ils ne se seraient pas crus capables d'intégrer auparavant, apprendre à utiliser correctement son système nerveux en fonction de sa structure, à savoir accumuler et transmettre de l' information, développer sa mémoire pour lutter contre l'appauvrissement de l'expérience du à l'isolement progressif d'avec le monde. Chacun, soignant ou soigné, apportant son matériel, il arrive que les soignés se trouvent en position d'enseignants: Jean-Luc a fait un exposé sur un livre, "La Vie Après la Vie" de John Moody, l'apport d'information circule dans les deux sens, pas de dichotomie "les soignants qui savent, les soignés qui ne savent pas".
2) Ouverture sur l'extérieur et rôle actif sur celui-ci par le biais d'activités comme le séjour à St G. (découverte du milieu, vie a l'extérieur, contact avec la nature), la sortie spéléo le journal, avec parfois des interventions de gens extérieurs a 1'H.P. (voir le cour de Bernard C. avec intervention de gens de l'ANPE)
3) Apprendre à élaborer des plans pour l'avenir: à travers le journal: construire un travail commun où chacun apporte ses éléments mettant en jeu l' imagination, l 'apport des connaissances , le sens artistique, le sens de l'organisation, le désir de faire un travail sérieux et reconnu et permettant de lier contact avec l'extérieur.
Le travail fourni n'est plus synonyme de quelque chose d'imposé, d'ennuyeux ou de fatigant mais devient alors créatif et permettant un comportement gratifiant..
4) Responsabilisation: les soignés ne se comportent plus comme des "malades mentaux", terme trop souvent synonyme d'irresponsabilité, notion qui débouche en pratique sur le non respect de soi-même et des autres, mais ils apprennent à assumer la responsabilité de leurs actes. Ainsi, dans le cadre de l'activité journal, les soignés y participant ont clairement et unanimement revendiqué le droit de signer leurs articles de leur nom plutôt que d'utiliser initiales ou pseudonymes.
III STRUCTURE:
1) Groupe ouvert: à tout soignant ou soigné désirant y participer sans distinction d'appartenance à un secteur, de pathologie, d'âge, de grade, etc...
2) Structure non hiérarchique : les différents éléments du groupe étant considérés comme interdisciplinaires et complémentaires, les différences entre les gens sont considérées comme des facteurs d'enrichissement plutôt que d'opposition. La structure du groupe voudrait autant que possible respecter celle de l'organisme humain où les différents organes sont complémentaires, chacun ayant son rôle, sa fonction, sans rapport de dominance entre eux, l'intérêt de chacun étant lié à celui de l'ensemble tout entier.
La question de la structure nous semble primordiale car la structure hiérarchique des services entraîne des rapports de pouvoir entre les individus, elle est basée sur des critères de grade et d'ancienneté qui n'ont parfois rien à voir avec les critères de thérapeutique et de compétence; elle est souvent un facteur d'immobilisme, d'irresponsabilité et de parasitisme; de plus, la complexité de la hiérarchie a tendance à alimenter la bureaucratie et à entraîner des dépenses énormes de temps et d'énergie trop souvent disproportionnées par rapport aux résultats attendus.
C'est pourquoi il nous semble important de partir des besoins et des demandes des hospitalisés, car ils sont les premiers concernés, de façon à les amener à devenir autonomes, c'est à dire à s'occuper de leurs propres affaires, plutôt que de décider à leur place ce qui est "bon pour eux", attitude infantilisante et paternaliste aboutissant souvent à des résultats contraires aux buts recherches.
La question des effectifs minimum ne se pose pas dans le groupe: il peut y avoir un soignant pour dix soignés comme autant de soignants que de soignés, ce qui serait inconcevable dans les services.
IV ETHIQUE:
Solidarité avec les hospitalises: sachant combien le regard pue l'on porte sur les gens peut conditionner leur comportement, nous considérons les soignés comme des individus à part entière, des usagers de la santé publique ayant droit à une qualité des soins susceptible de leur apporter un état de mieux être et d'autonomie.
En tant que soignants, nous sommes payés pour apporter cette qualité des soins aux soignés et avons pour but de nous donner les moyens de faire notre travail de façon correcte et efficace.
V BILAN DES ACTIVITES DU GROUPE:
5 Janvier: Sémantique générale: intervenants: Maryline, Isabelle, participants: Daniel, Jean-Luc, Michèle, Anne-Françoise, Romain, Pascal.
20 Janvier: Discussion sur les pensions: I.: Bernard C. P: Daniel, Jean-Michel, Jean-Luc, Mme M., Colette, Annick, Robert.
22 Janvier: Anglais. I.: Isabelle, P: Daniel, Louis, Régine Jean-Michel, Michèle.
7 Février: Anglais: I.: Isabelle, P.: Daniel, Michèle
27 Février: Le travail, l'emploi, les stages, I.: Bernard C., P : Mrs M et L, Mme B (ANTE), Mr B (EPSR) F:Chantal, Patrick, Marie-Annick, Simone, Mr G., Mr D.C., Mme A., une amie à elle, son fils, une autre dame du secteur B.
28 Février: le système nerveux: I.: Isabelle, P: Mr B., Marie-Annick, Daniel, Patrice.
9 Mars: Anglais: I: Isabelle, P.: Louis, Daniel
16 Mars: Discussion sur le manque de confiance en soi. I.: Isabelle, P: Daniel, Patrice, Romain, Marie-Annick
6 Avril: Discussion sur la mort: I.: Maryline, Jean-Louis, Isabelle, Bernard A., P.: Louis, Dominique, Jean-Luc,Mr F., Noel
13 Avril: Bilan de l'école: I: Maryline, Jean-Louis,, Isabelle, Bernard C., une stagiaire, Jean-Luc, Louis, Dominique
24 Avril: "La vie après la vie": I.: Jean-Luc, P:Louis, Daniel, Isabelle, Jean-Louis.
5 Mai: Le rêve éveillé: I.: Maryline, P :Daniel, Dominique, Louis, Bernard A., Jean-Louis, Isabelle
19-22 Mai: Séjour St G.: Louis, Daniel, Chantal, Jean-Luc, Dominique, Jean-Louis, Isabelle, Bernard A.
30 Mai: Discussion sur la sexualité :I: Helène, Bernard A., Jean-Louis, Isabelle, P.:Chantal, Louis, Daniel, Jean-Luc
4 Juillet: Préparation a la sortie spéléo: I: Bernard A., P: Daniel, , Louis, Patrick, Dominique, Gilbert, Mireille, Ariel, Jean-Louis, Isabelle
21 Juillet: Réunion journal: Louis, Daniel, Jean-Luc, Isabelle
24 Juillet: Bilan des activités: Jean-Louis, Maryline, Hélène, Marie-Jo, Daniel, Chantal, Louis, Jean-Luc, Isabelle
7 Août : Sémantique générale: I.: Isabelle, Martine, René, Louis, Daniel, Jean-Luc
14 Août: Sortie spéléo: Bernard A., Patrick , C., Mireille, Martine, Daniel, Patrice, René, Mr X, Jean-Luc, Jean-Louis, Isabelle, Louis, Valère, Gilbert
29 Août: Réunion du comité de rédaction d'Objectifs: Daniel, Valère, Jean-François, Louis, Gilbert, Jean-Louis, Maryline, Patrice, Hélène, Isabelle
On peut tirer de ce qui précède les constatations suivantes: le groupe B 23 s'est réuni 20 fois en 8 mois, 33 soignés y ont participé, les uns régulièrement, les autres, épisodiquement. Y participent les soignants suivants : Bernard C, Bernard A, Maryline B, Jean-Louis et Isabelle B. Le Docteur Hélène F a bien voulu accepter d'être le médecin référent du groupe.
Sur le plan financier, le séjour à St G. a coûté 1556,46 Fr, ce qui fait une moyenne de 48,63 Fr par personne et par jour.
Ce numéro d'Objectifs a coûté 84,69 F, l'achat de 2 ramettes de feuilles.
Depuis le 12 Septembre, nous faisons partie du comité de section du centre social, ce qui va nous permettre d'avoir un budget substantiel, donc davantage de moyens pour nos activités: achat de papier, stylos, un magnéto, cassettes, jumelles.
En conclusion: loin d'être une utopie, ce que certains supputaient lors de la présentation du projet, le groupe B23 fonctionne de façon satisfaisante et pense avoir atteint les objectifs qu'il s'était fixés au départ. Il est la preuve qu'il est possible de travailler et d'innover dans les conditions actuelles. Il a su faire face aux oppositions qui se sont élevées au cours de ces 8 mois, cela parce que les relations existant entre ses membres sont des relations vraies, non artificielles, et parce que le bien-être des soignés est la raison de son existence et non pas un but prétexte.
VI ACTIVITES PREVUES POUR L'AVENIR:
Pour le moment nous sommes en mesure de prévoir une autre séance de rêve éveillé, la première ayant été très appréciée des participants, une projection de diapos du séjour à St G. et de la sortie spéléo et des montages faits a partir de ces dernières.
Nous prévoyons aussi une journée concert avec les groupes Cimagil et peut-être Raticide et un meshoui au cours de cette journée, ouverte aux gens de l'extérieur.
Les gens du groupe ont émis l'idée, pour un futur plus lointain, d'ouvrir une cafétéria en ville, en louant un local où seraient vendus des salades exotiques, jus de fruits faits à la centrifugeuse, milk-shakes et glaces sophistiquées.
Dans le cas où nous pourrions rentabiliser certaines activités ~ hypothèse à laquelle nous ne sommes pas hostiles à priori ~ l'argent étant une des réalités de l'existence, nous pensons qu'il serait normal que les soignés participant a ces activités puissent bénéficier de cette rentabilité, ne serait-ce que par le biais d'un pécule maximum ou complémentaire.
Dans cette hypothèse, nous avons pensé acheter une machine à laver pour l'hôpital, qui servirait aux hospitalisés en contrepartie d'une petite somme, ce qui leur reviendrait moins cher que de donner leurs vêtements au pressing.
Nous espérons vous avoir fait un compte-rendu exhaustif de l'esprit du groupe qui est, nous ne saurions trop le répéter, un groupe ouvert.
Toutes vos suggestions et idées seront les bienvenues.
Isabelle
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Suite: Objectifs #2 : Quelques éclaircissements sur la sémantique générale - cours de sémantique générale: Janvier 85