Evaluation : 21 Août 1990



(Entretien enregistré)

Personnes présentes : médecin-chef, surveillant-chef, infirmière.

Les passages en gras et entre parenthèses contiennent des précisions ajoutées pour faciliter la compréhension du texte, ils ne font pas partie de l'enregistrement.

Les évaluations font partie des mesures administratives adoptées au début des années 90 et des restructurations entreprises dans les services hospitaliers après la naissance du mouvement infirmier et de la coordination infirmière. Elles se mettaient alors en place au moment où a lieu cet entretien et ont lieu actuellement (2000) une fois tous les trimestre : chaque infirmier est confronté à un médecin et au surveillant chef, parfois aux surveillants, qui "évaluent" son travail et incluent parallèlement un compte-rendu administratif écrit et une note au dossier administratif de chaque agent. Elles ont pour but de maintenir le personnel sous une pression et un contrôle constants.

A noter que les représentants syndicaux infirmiers sont dans la grande majorité des surveillants, d'où l'absence de recours véritable pour le personnel.

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Infirmière : Messieurs, bonjour.

Surveillant-chef : On voit un petit peu tout le monde comme ça, on a vu, j'ai pas encore totalisé, à peu près la moitié des infirmiers; on aurait souhaité que cela soit fait bien avant, juste après les évaluations, ça ne s'est pas fait et on est plus proche de l'autre évaluation. Bon, voilà; donc, l'objectif quand on se voit comme ça, c'est pour parler un petit peu de l'appréciation qui a été mise (il fait référence à la feuille de notation annuelle) et puis qu'on en discute ensemble. Donc par rapport à mon observation , moi j'avais mis : "Sens de l'observation mais toujours le même constat, madame X n'accepte de travailler que si son conjoint est présent aux mêmes horaires." Je crois que tu as fait une demande de réclamation dans ce sens là aux commissions paritaires (instance intérieure à l'hôpital à laquelle le personnel a recours pour contester une évaluation, une note ou une sanction; sa défense est alors assurée par un représentant syndical; en l'occurrence, c'est le surveillant-chef qui se trouve être également le représentant syndical : c'est donc la même personne qui cumule les fonctions de professionnel de l'autorité et de défenseur du personnel; l'instance en question perd donc tout son sens). Je crois aussi qu'il y a une façon de jouer sur les mots; j'ai l'impression, quand même, enfin, je n'en sais rien, Unetelle (la surveillante) ne vous l'a peut-être jamais demandé, par rapport à l'attitude que vous avez par rapport à ce problème, moi je crois que c'est sûrement ça, il y a sûrement une difficulté et vous avez toujours dit que vous vouliez faire les mêmes horaires. Ca, c'est un constat qu'on regrette, donc je l'ai noté dans mon appréciation et quelle que soit la décision des commissions paritaires, je n'aurais pas changé mon appréciation. Bon, on va pouvoir en parler. L'appréciation de M. Psychiatre, ça a été, heu...

M. Psychiatre : Effectivement, j'ai mis R.A.S. (rien à signaler) parce que quand on a fait le truc, c'était après, je n'étais pas très content après vous, c'était après cette histoire de lettre effectivement (la lettre du 21 juin 1989 adressée au surveillant-chef au sujet de Louis P.), donc j'ai préféré ne rien mettre plutôt que d'écrire sur une fiche d'annotation des choses... Cette lettre dont vous m'avez parlé la dernière fois en réunion, on n'a pas le temps de la reprendre maintenant, on la reprendra peut-être un jour mais je crois que, je ne sais pas, je me suis vraiment posé une question en lisant cette lettre; d'une part, un petit détail quand même, le jour de la réunion, j'étais absent depuis plusieurs semaines, donc je n'étais pas tout à fait dans le coup et vous m'avez dit que vous m'aviez écrit et que vous n'aviez pas eu de réponse. En fait cette lettre était adressée au surveillant-chef et c'est vrai aussi qu'il n'avait pas eu le temps de me la donner et que c'est le directeur qui m'en a parlée. Je ne trouve pas ça très, heu, très honnête de laisser entendre devant l'ensemble de vos collègues que je ne réponds pas à une lettre, que cette lettre était innocente, enfin, etc., je tenais à vous le dire; ça c'était pour la dernière réunion. Quant au contenu de la lettre, elle est carrément, en tant que chef de service ayant pris la responsabilité d'envoyer Louis à Cadillac, je me suis senti insulté par le mot "torture", toutes espèces de conneries; c'est pas possible, je crois que vous ne vous êtes pas rendu compte, encore une fois je répète ce que je vous ai dit publiquement, vous ne vous êtes pas rendu compte. Le genre de chose qu'on écrit, ça peut s'appeler de la diffamation, enfin c'est grave, c'est pour ça que moi, j'ai mis R.A.S.. Par ailleurs depuis le temps que vous travaillez ici, je connais votre sérieux dans le boulot et tout ça, je me suis dit, faut qu'on en parle. Et puis, c'est vrai que vous faites les nuits et puis que je n'ai pas eu le temps de vous rencontrer, mais on en reparlera de cette lettre, y compris du contenu et de Louis et de Cadillac et de ce que ça représente, pourquoi pas, je veux bien en reparler avec vous. Voilà, c'est tout; c'est pour cela que j'ai mis R.A.S., autrement j'aurais mis une appréciation, heu... L'année précédente, j'avais mis une appréciation; l'année précédente, j'avais mis, moi, que vous faisiez un petit peu, j'avais fait les appréciations seul l'année précédente, pas avec la surveillante, tout seul; j'avais mis pour vous deux à peu près la même chose, c'est-à-dire que vous faisiez un petit peu bande à part, vous ne vous intégriez pas bien dans l'institution. Pourquoi ? On peut essayer d'analyser, je ne dis pas que je détiens la vérité absolue, je crois qu'inconsciemment quelquefois, vous avez même un comportement qui fait que vous vous isolez et que le reste de l'équipe vous... vous rejette aussi, et c'est un peu ce que j'avais voulu mettre il y a deux ans. Voilà.

Surveillant-chef : Bon, à toi. Qu'est-ce que tu as à dire par rapport à cela ? Est-ce que tu as des questions ?

Infirmière : Eh bien, je pense que c'est une question d'opinion et que vous avez tout à fait le droit d'avoir vos opinions.

M. Psychiatre : Voilà, oui, oui.

Infirmière : Voilà, moi, heu, bon, ceci dit, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise par rapport à ça ?

M. Psychiatre : Moi je vais vous poser une question. Je reviens, si vous parlez d'opinion, vous avez aussi tout à fait le droit de penser, de penser plein de choses par rapport à Louis. Mais on peut le penser et l'écrire, et c'est là qu'il y a la nuance, hein ? Autrement je ne discute pas du fait que vous avez tout à fait le droit de penser... Mais c'est vrai aussi que quand on travaille ensemble et qu'on ne pense pas du tout la même chose, ça risque de faire des fois des étincelles. Je veux revenir à ce que disait le surveillant-chef sur vos horaires de travail et vous mettre devant un de vos problèmes. Je dis bien que c'est vos problèmes qui finissent par en créer à l'institution et en créer à nous, les chefs de service et pas les chefs du mouvement, c'est qu'il est évident que vous tenez à travailler ensemble et que quand on vous dit "Vous ne travaillerez plus ensemble", vous dites "Bon, on s'en va" ou, bon, c'est ça. Bon et puis si vous partez, vous partez, on ne vous retiendra pas, mais c'est une réalité, et vous avez écrit une lettre pour contester ce qu'a dit votre surveillant-chef, qui était la réalité; là, ce mécanisme de pensée... 

Infirmière : Eh bien, écoutez, moi, heu, effectivement... 

M. Psychiatre : C'est incontestable, votre mari lui-même vient de nous le dire, "on travaillera toujours aux mêmes horaires, il n'est pas question...", et puis je ne comprends pas que vous arriviez à contester une chose qui est une réalité. 

Infirmière : Moi, personnellement, ce que je peux vous dire, c'est qu'effectivement on a fait la demande de travailler aux mêmes horaires, et c'est vrai aussi que l'an dernier, on ne nous a jamais demandé de travailler à des horaires différents. Cette année, on nous l'a demandé et on l'a fait quand cela nous a été demandé. Point. Je n'ai rien d'autre à dire. Que voulez-vous que je vous dise ? Je ne veux absolument pas rentrer dans des histoires de "raison" ou "tort" ou de choses comme ça, je ne pense pas que cela serait tellement utile. Personnellement, je ne vois pas ce que je pourrais rajouter. Bon, je vous dis ça; ce que je peux vous dire aussi par rapport à... 

M. Psychiatre : Vous avez travaillé à des horaires différents ? 

Infirmière : Oui, cette année, là, plusieurs fois. 

M. Psychiatre : Comment vous avez fait pour venir travailler ?

Infirmière : Eh bien, mon mari m'a conduite. 

M. Psychiatre : Je ne savais pas. 

Infirmière (au surveillant-chef) : C'est vrai ou ce n'est pas vrai ? 

Surveillant-chef : Oui. 

Infirmière : Bon. 

Surveillant-chef : Oui, mais quand on vous a fait rendre vos nuits on ne vous les a pas fait rendre ensemble, soit l'un, soit l'autre. 

M. Psychiatre : C'est pas des horaires différents. 

Surveillant-chef : On a pris sur un repos. 

Infirmière : Maintenant, une autre chose que je voulais vous dire par rapport à ma lettre, c'est que moi, personnellement, dans mon état d'esprit, je n'ai pas du tout eu l'intention de vous insulter ni d'insulter qui que ce soit. Quant à l'état d'esprit dans lequel je l'ai écrite, je pense que, on peut la reprendre, je ne pense pas avoir émis de jugement de valeur par rapport à quiconque ici. 

M. Psychiatre : Moi je l'ai prise comme ça, mais je ne dis pas que vous avez voulu le faire. 

Infirmière : O.K. 

M. Psychiatre : Mais c'est vrai que je l'ai prise comme ça. En tant que responsable du service si vous voulez. 

Surveillant-chef : Ce que dit M. Psychiatre aussi, c'est la forme, envoyer ça au directeur sans que lui en soit au moins informé.

 M. Psychiatre : Parce que le directeur l'a eu avant que j'en sois informé effectivement. Elle ne m'était pas adressée, elle était adressée au surveillant-chef et je n'avais pas vu le surveillant-chef avant que je rencontre le directeur et c'est, au niveau de la forme, quelque chose de grave. Je ne vous parle pas du contenu parce que vous avez le droit de penser. Mais bon, c'est mon problème, si moi en tant que responsable du service, je vis ça comme des insultes; c'est mon problème, c'est vrai.

Infirmière : Je pense qu'il faut remettre ça un petit peu dans le contexte. (Au surveillant-chef) : Untel, tu étais arrivé depuis peu de temps à ce moment-là et je me suis dit : "A qui est-ce que je vais l'adresser, cette lettre ?" Et puis j'ai pensé à toi parce que je pensais que tu étais en mesure d'être un bon surveillant-chef; je pensais aussi qu'en tant que surveillant-chef, tu étais le lien entre toute l'équipe et je pensais avoir une relation avec toi où je pouvais te dire ce que je t'ai dit.

 Surveillant-chef : Tu pouvais me le dire, il n'y a pas de problème. Mais dans le même temps, tu l'as quand-même envoyée au directeur.

Infirmière : Pas dans le même temps. Je l'ai adressée un mois environ après. 

M. Psychiatre : Je ne préciserais pas parce que mes souvenirs sont flous. 

Surveillant-chef : Et pourquoi un mois après ? 

Infirmière : Eh bien, parce que je n'avais toujours pas de réponse. 

Surveillant-chef : Oui, alors c'est là où il y a quand même une difficulté. 

M. Psychiatre : Oui, mais moi j'étais là et elle me concernait, cette lettre. Le surveillant-chef aurait pu juger tout à fait, heu, de ne pas me la montrer, pourquoi pas ? La passer directement au directeur, c'est quand même quelque chose de... non, c'est un état d'esprit où, je ne sais pas... 

Surveillant-chef : Je n'ai quand même pas le pouvoir d'avoir une réponse immédiate à toutes tes questions. 

M. Psychiatre : De toutes façons, il y a des questions sans réponse à votre lettre par rapport au sens que peut avoir l'enfermement à Cadillac, etc. 

Surveillant-chef : Bon, la psychose et tout ça, c'est pas évident. Ceci dit en plus, ce que ça a entraîné, je crois qu'il faut que je le rappelle ici. Quand c'est arrivé au directeur, le directeur m'a d'abord convoqué avec M. Psychiatre. Il n'était pas question d'y répondre, c'est clair. Il voulait vous recevoir, bon, après il ne l'a pas fait. 

M. Psychiatre : Ca ne s'est pas fait. Il a demandé qu'on vous voit ensemble et je crois que lui avais quand même demandé si on voulait qu'on donne une suite. J'ai dit non. 

Surveillant-chef : Donc la réponse, c'est "fallait pas y répondre." 

Infirmière : Alors attends, si tu n'as pas répondu à la lettre... 

Surveillant-chef : Non, c'est pas ce que j'ai dit! 

Infirmière : Alors attends, je ne comprends pas, moi. 

Surveillant-chef : Sans doute que j'y aurais répondu, mais je crois qu'on ne répond pas comme ça à une lettre comme ça de façon immédiate, hein ? On ne va pas reprendre cette lettre et je n'ai pas, même aujourd'hui, je n'ai sûrement pas une réponse à tout là-dessus; je n'ai pas la prétention d'en avoir une. Non mais, c'est vrai. Je peux influencer sur certaines choses, qui auront des résultats ou qui n'auront pas de résultat, j'en sais rien. Ce que je veux dire, c'est que les choses ne sont pas si simples que ça. Mais ce que ça a entraîné au moins par rapport à la réponse, dans mon intention, c'était d'y répondre un petit peu par écrit de façon à mieux élaborer ma réflexion. Mais quand je suis arrivé chez le directeur, ça a été très net, dès que je suis arrivé, il m'a convoqué pour me dire qu'il ne devait pas y avoir de réponse de ma part, que s'il y avait une réponse, ça serait en présence de M. Psychiatre et de lui-même. Voilà, c'était terminé.

 Infirmière : Moi personnellement, j'ai écrit cette lettre parce que je pensais important d'entamer une réflexion par rapport à Louis, étant donné qu'il y avait des problèmes qui se posaient quand même depuis quelques années. Je pensais aussi important de proposer quelque chose parce que je pensais qu'en tant que soignante, j'avais à proposer quelque chose sur le plan de la prise en charge, et voilà. 

Surveillant-chef : Enfin ça n'explique pas la lettre au directeur, enfin, la forme, quoi, c'est ça. 

M. Psychiatre : Il y a plusieurs choses là-dedans; il y a aussi un petit peu ce surinvestissement que vous faites par rapport à certains malades; bon, c'est normal, c'est humain, mais enfin je crois que tous nos malades sont aussi respectables les uns que les autres et que le tout, c'est de les soigner du mieux qu'on pense; mais c'est vrai qu'avec vous, il y a de temps en temps un malade qui prend une importance un peu plus grande que les autres; mais c'est vrai, ça aussi c'est une des choses qui m'avaient agacé dans cette lettre. Parce que, vous dites, je ne veux pas tomber dans le piège d'expliquer ça, mais je ne sais plus comment c'était présenté, un coup de poing égal tant de mois à Cadillac, des choses comme ça, enfin des conneries comme ça. Untel est allé à Cadillac, vous n'en parlez pas. 

Infirmière : Si. 

M. Psychiatre : Non, non, non. 

Infirmière : Il y est resté un mois. 

M. Psychiatre : Vous n'en parlez pas dans la lettre, vous ne parlez que de Louis P.; il y en a d'autres qui ont été à Cadillac, Untel, qui ont fait des trucs, et, et... Il y a tout ça, si vous voulez.

 Surveillant-chef : Bon, moi, vite fait par rapport à ça. Cette lettre, c'est un petit peu une difficulté dans le fonctionnement que moi je peux avoir par rapport à toi. J'ai comme ça des... deux exemples. Il y en a un qui est très récent; hier tu m'as parlé des vêtements à Françoise, à Maurice; bon, effectivement, j'entends. Je ne pensais pas que tu voulais une réponse, que j'allais changer ça dans la minute, que j'allais régler le problème dans la minute. 

Infirmière : Non. 

Surveillant-chef : Non, je ne crois pas. Et quel est l'objectif de réinscrire tout ça sur le cahier après ?

 Infirmière : Eh bien, dans la mesure où... 

Surveillant-chef : C'est le même processus que de prévenir le directeur, tu ne crois pas ? 

Infirmière : Non. Je veux dire, c'est pour que cela soit fait, c'est tout. S'il y a quelque chose qui manque... 

Surveillant-chef : Quel est ton objectif quand tu le mets sur le cahier de rapport ?  

Infirmière : Eh bien, c'est adressé à tout le monde. 

Surveillant-chef : A tout le monde ? 

M. Psychiatre : C'est pas le surveillant qui va acheter des slips, c'est pas tout le monde qui va acheter des slips. Je ne sais pas. 

Surveillant-chef : Comme si ça n'allait pas se faire! Moi j'ai senti ça aussi le matin; tu m'en parles et tout ça, je veux dire que je n'en fais pas abstraction, j'étais bien décidé à... Mais est-ce la meilleure stratégie de remarquer ça sur le cahier de rapport ? Je me demande. 

Infirmière : Je ne sais pas, moi; il y a le cahier de rapport où on met les consignes; pour moi, ça faisait partie des consignes à mettre. 

Surveillant-chef : Mouais..., je ne l'ai pas senti tout à fait comme ça.  

M. Psychiatre : Bon, c'est le problème du surveillant-chef, mais c'est vrai qu'il y a des problèmes... 

Surveillant-chef : L'autre problème que j'aimerais bien, heu, si, ce fonctionnement un petit peu à l'écart comme disait M. Psychiatre, et qui suppose qu'on puisse en parler et puis que ça ne se passe pas comme ça. Bon, moi j'ai pas de, pas vraiment de preuve par rapport à ça, mais je me pose des questions, c'est par rapport à Z. Elle s'est enclenchée, avec toute sa pathologie en ce moment, par rapport à son problème de viol et tout ça, elle a écrit à une association de défense des malades. L'adresse, c'est vous qui la lui auriez donnée.(La personne évoquée est une jeune hospitalisée de dix-huit ans, dont l'infirmière ici présente est référente, qui s'est retrouvée en H.P. après avoir été abandonnée par ses parents à l'âge de douze ans. Dans un des établissements qu'elle a fréquentés, elle a subi, à l'âge de quatorze ans, des violences quotidiennes de la part d'un garçon hospitalisé dans le même service qu'elle, et ceci pendant un an, dans l'indifférence du personnel qui ne voulait pas la croire quand elle s'en plaignait. Après qu'elle ait été violée par ce garçon, celui-ci a alors été changé de service. Depuis elle a toujours eu l'intention d'engager des poursuites contre cet hôpital.) 

Infirmière : C'est moi qui la lui ai donnée, oui, absolument. 

Surveillant-chef : Est-ce que ça ne suppose pas avant de s'engager dans quelque chose comme ça dans, je ne sais pas, moi, peut-être un travail en équipe, des discussions avec les référents ou avec le médecin qui s'occupe de cette patiente, enfin, c'est ça parce que c'est quand même grave, dans sa pathologie, est-ce que c'est bon pour elle qu'elle s'engage dans ce travail ? C'est tout. Faut au moins se poser cette question avant de pouvoir aller dans ce sens-là. 

Infirmière : Je te dirais que je la lui ai donnée parce qu'elle avait ce problème-là qui la tracassait depuis quelques années et puis elle avait envie de faire quelque chose par elle-même, et c'est pour ça que je la lui ai donnée. Et puis voilà. Je pense que ça fait... 

M. Psychiatre : Oui, mais vous vous rappelez que vous vous occupiez d'une malade au premier étage et que le médecin de cet étage vous a interdit de vous occuper de cette malade parce que vous étiez pathogène pour elle; c'est clair, il me l'a dit, il me l'a expliqué, je n'ai pas de raison de ne pas le croire. (Il fait allusion à une hospitalisée en placement libre dont l'infirmière s'occupait dans le cadre d'une école et d'un journal de l'établissement, qui avait été enfermée quinze jours en chambre de force. L'infirmière avait été alors éconduite de ce service après avoir fait paraître dans le journal un article sur la charte des droits du malade hospitalisé, charte qui doit officiellement être communiquée à chaque soigné mais qui était alors absente dans l'établissement; la jeune fille en question avait alors fait référence à cette charte pour protester contre son enfermement, ce qui n'avait pas eu l'heur de plaire à son médecin; celui-ci avait alors décrété qu'elle "remettait l'institution en question" et que l'infirmière était "pathogène".) On peut quelquefois être très nocif pour un malade en croyant lui rendre service parce que ça, c'est un autre problème aussi, c'est quelque chose qui aurait pu... Alors je ne vois pas comment l'expliquer dans l'évaluation, c'est un problème que moi j'ai toujours eu avec vous, et pas qu'avec vous, des éléments, des gens formés ici un peu donc, je peux aussi m'en rendre coupable puisque j'ai participé à la formation des gens ici, c'est une façon évidente de nier la maladie mentale et de vouloir normaliser les gens et quelque chose qu'on peut dire tout à fait normal à quelqu'un pour respecter ses droits, ses "droits de l'Homme", et je respecte quand même les malades, à un malade, cette chose-là peut être pathogène; vous n'avez aucune notion de ces choses-là, vous normalisez et ce n'est pas en souhaitant que les malades soient normaux qu'ils ne vont plus être malades; ça serait bien, je comprends un petit peu ce qu'il y a au fond de vous, effectivement, c'est pas en faisant..., je reviens à la lettre, c'est pas en disant "Louis, on va te faire taper à la machine, tu vas aller bien", au point où il en est de la schizophrénie, je regrette beaucoup qu'il soit descendu à ce point-là, il aura beau taper à la machine pendant des heures chaque jour, il ne sortira pas de sa schizophrénie et il ne va pas être plus heureux pour autant. Je ne sais pas, si j'avais la solution, je l'appliquerais, mais je crois que là, vous vivez dans une illusion, vous niez la maladie mentale. Vous n'êtes pas la seule à faire ça et ça, c'est un peu un défaut du centre de formation d'ici que certains ont eu. 

Infirmière : Vous avez prononcé le mot "nocivité"... 

M. Psychiatre : Pour Z c'est évident que... 

Surveillant-chef : C'est pas évident que c'est de la nocivité, mais ça peut l'être. 

Infirmière : Sur quel fait vous vous basez pour dire ça ? 

M. Psychiatre : Je ne me base sur aucun fait, je vous dis que... 

Infirmière : Non mais, parce que la question, c'est : est-ce que je... Vous me dites que je peux avoir des comportements nocifs avec les malades, je suis toute prête à l'entendre, mais sur quels faits ? Est-ce que ça peut, ou est-ce que ça l'est ? 

Surveillant-chef : On peut jouer là dessus. Ca peut être nocif. Non, mais simplement sur la forme, de l'engager, c'est quelque chose dans sa vie, qui est astreignant, c'est quelque chose de très, très important. Donc ça suppose, avant de décider de lui donner cette adresse et puis, disons, de favoriser cette démarche de sa part, ça suppose qu'il y ait eu discussion avec l'équipe, avec les référents, avec le médecin. Si ça n'est pas fait, si on prend ça de sa propre initiative en pensant que c'est bien pour le malade sans en discuter, ça peut effectivement être nocif. 

M. Psychiatre : Voilà, absolument! 

Infirmière : Mais enfin... 

M. Psychiatre : Vous n'avez pas assez... tous les éléments. 

Infirmière : Vous avez tout à fait le droit de penser ce que vous voulez... 

M. Psychiatre : Oh, non, non, non! Mais ça suffit avec ça, vous avez le droit de penser... 

Infirmière : Hé bien oui, je ne vais pas me lancer dans une polémique là dessus... 

M. Psychiatre : Je crois aussi qu'on a une expérience, je crois que pour Z, je pense que vous ne connaissez pas suffisamment sa vie; moi non plus, je ne la connais pas. C'est le docteur Unetelle qui s'en occupe, pour pouvoir juger du bien fondé de lui donner cette adresse. Voilà, c'est tout, et ça, par contre, je suis sûr de ce que je dis. Je le dis souvent, je ne détiens pas la vérité absolue, je peux me tromper, je ne crois pas, contrairement à vous, je ne crois pas être le meilleur, heu, je me pose des questions. Pour Z, c'est une fille extrêmement compliquée par ses relations avec ses frères, ses sœurs et tout ça (en fait, Z a un frère et une sœur qu'elle n'a pas revus depuis son départ du domicile familial et avec qui elle tente, à l'époque où se déroule cet entretien, de reprendre le contact par lettre), vous ne connaissez pas, vous ne connaissez pas suffisamment pour savoir si votre geste était anodin, ça c'est clair. Je ne dis pas que vous êtes nocive, mais votre geste peut ne pas être anodin et c'est pas la seule fois que vous faites des choses comme ça. L'exemple que j'ai pris aussi, c'était la malade du premier que je ne connais pas du tout, j'en sais ce que son médecin m'en a dit... Pour lui, c'était horrible, j'aurais dû vous virer du service, je ne sais pas ce que vous avez fait avec elle, mais c'était, heu, je ne sais pas, vous étiez anti-thérapeutique avec elle; je vous répète, hein, les propos d'un autre, donc je ne m'engage pas. Je prenais cet exemple pour... parce que je l'ai dit aussi tout à l'heure à votre mari, ça, vous disiez, la petite école, si on est resté tous les deux, c'est que les autres ne sont pas bons. 

Infirmière : Certainement pas, monsieur, on n'a jamais dit ça.... 

M. Psychiatre : Je résume, je caricature et c'est pas possible de penser comme ça dans notre métier, si on ne se remet pas en cause, on ne peut pas avancer; or, je crois que vous ne le faites pas, ni l'un ni l'autre, mais enfin, bon. 

Surveillant-chef : Ceci dit, ça ne remet pas, par rapport à ce que dit M. Psychiatre, ce qui s'est fait à la petite école, moi je trouve que ce qui s'y est fait... 

M. Psychiatre : Ah non, c'était bien... 

Surveillant-chef : Voilà, c'est clair, mais pourquoi ça s'est arrêté ? 

M. Psychiatre : C'est la question que j'ai posée, vous vous êtes retrouvés tous les deux à la petite école et quand vous vous êtes retrouvés tous les deux... qu'est-ce que vous avez comme explication au fait que vous vous êtes retrouvés tous les deux? 

Infirmière : Eh bien au niveau de l'étage même, effectivement, on était tous les deux. Il y a eu en plus l'assistant social qui est intervenu un certain nombre de fois. Mais effectivement, au niveau des collègues, les collègues, il y en avait qui avaient l'activité piscine, d'autres qui avaient l'activité cheval, auxquelles nous, on ne participait pas. Bon, on a monté ça (l'école et le journal) et puis chacun avait son activité, ça ne posait pas de problème au niveau des collègues avec qui je travaillais. Par contre, ça semblait en poser beaucoup parmi un certain nombre de gens qui ne travaillaient pas, jamais, avec moi. Alors, ceci dit, je ne sais pas ce qui leur posait problème là-dedans. Mais en général, les jugements qui ont été émis au sujet de la petite école sont toujours..., ont toujours été émis par des gens qui n'y avaient jamais mis les pieds, alors j'ai trouvé ça un peu curieux. Au premier étage, il y a eu quand même pas mal de gens. Bon, c'était un groupe inter-secteur et ça n'aurait jamais pu tenir le coup trois ans si on n'avait été que tous les deux. Ca a duré trois ans, et je pense que si ça a duré trois ans, c'est que les gens qui y ont participé l'ont fait marcher, c'est tout.

M. Psychiatre : Effectivement les gens qui en parlaient étaient des gens qui n'étaient pas au courant. Là je comprends, je vous comprends, c'est un petit truc. Je vous dis ça parce que le moment de l'évaluation comme ça c'est pour vous permettre éventuellement d'une part de nous dire ce que vous avez à nous dire et éventuellement de vous remettre en cause. C'est pour ça que ce n'est pas du tout agressif ce que je dis, mais il y a des choses sur lesquelles vous devez réfléchir, peut-être vous remettre un petit peu en cause d'une certaine façon, c'est tout. C'est le but, sinon, mettre des notes, ça ne m'intéresse pas, on n'est plus à l'école, j'ai toujours été contre la note mais autant l'utiliser dans un but... Voilà, parce que malheureusement on n'a pas l'occasion de parler comme ça assez souvent, qu'on puisse se voir, qu'on puisse voir chaque infirmier du service, au moins prendre une heure et demie pour essayer de faire le point. Vous n'êtes pas les seuls, on a vu tout le monde, pas tout le monde, on a vu pas mal de gens quand même et certains...

Infirmière : Je suis un peu étonnée de votre réaction par rapport à la lettre parce que ce n'était pas la première que j'adressais au directeur, j'en avais déjà envoyé... 

M. Psychiatre : Je sais qu'avec le directeur, vous preniez rendez-vous avec lui, il me le racontait, le directeur, tout ça je le sais, les relations que vous aviez avec lui, mais ça ne me gênait pas, par contre, celle-là, le contenu... 

Surveillant-chef : Disons que le contenu ne le choquait sans doute pas, l'autre, ça l'a... 

M. Psychiatre : Parce que, bon, c'était le directeur; après, ce que sont devenues ces relations plus ou moins amicales que vous avez eu au début avec lui, mais quand, donc, il m'a appelé par rapport à cette lettre qu'il a reçue, c'était pour me demander si je voulais prendre des sanctions contre vous, ça a été clair et net, c'est tout. Il ne s'est pas posé des questions une seule seconde sur le... sur ce qu'il y avait dedans, parce qu'il a trouvé le procédé un peu gros et le contenu, un peu aussi discutable. Les autres lettres, non, je sais qu'il y en a eu d'autres. Bon.

Surveillant-chef : Bon, quand on se réunit comme ça, en général on essaie de parler pas seulement de l'évaluation de la personne qui est là; on parle, bon, d'autres sujets que la personne présente a envie de soulever. 

Infirmière : Vous avez émis... vous avez surtout parlé de points négatifs. Est-ce qu'il y a des côtés positifs ? 

Surveillant-chef : On a parlé de points positifs ? 

M. Psychiatre : On en a parlé. 

Infirmière : Que j'avais le sens de l'observation. 

Surveillant-chef : Déjà. 

Infirmière : Vous avez dit que vous n'aviez rien à me reprocher dans le travail. 

M. Psychiatre : Votre efficacité dans le travail, alors là, par contre, c'est tout à fait bon. La petite école, c'était bien de prendre des initiatives; il ne faut pas couper les initiatives des gens, bien au contraire. Je veux parler non pas de la forme, ça c'est les points positifs; c'est vrai que je ne les ai pas dits, mais il y en a tout plein, des points positifs. Mais dans ces points positifs, bon, j'avais retenu le point négatif qui était le fait que tous les deux vous avez le problème d'être toujours en couple. J'ai dit à votre mari sur le couple aussi parce qu'on a déjà parlé de ça une fois tous les quatre... 

Infirmière : Remarquez, ça ne me dérange pas, j'en entends parler depuis l'école. Depuis l'école, je suis blindée. 

M. Psychiatre : Ce que je veux dire aussi, c'est que là, il y a un peu une... faut que je vous le dise à vous aussi, que si votre mari vous le répète qu'il n'y ait pas d'interprétation entre vous sur ce que j'ai dit par rapport à ça. C'est vrai qu'au début, il y avait le problème du directeur de l'école qui séparait les couples, qui ne supportait pas trop les couples qui s'entendaient bien; bon, il y a eu lui, peut être d'autres, mais là dessus, il a été... Je me suis accroché avec lui, hein ? Alors est-ce que ça date de cette époque-là ? 

Infirmière : Il ne nous a pas posé de problème à ce niveau-là.  

M. Psychiatre : Non, non, vous vous entendiez bien avec lui apparemment, mais lui il faisait tout pour essayer aussi de couper tous les couples. Il ne vous en a peut être pas posés, mais c'était un de ses problèmes. Je pense que j'ai entendu dire, je ne pourrais pas vous dire par qui, si c'est par d'autres infirmiers ou si c'est par des surveillants, enfin par des gens de l'institution, que si, justement on ne vous mettait pas à des horaires différents, c'est parce que c'est moi qui avais donné cet ordre-là et que vous étiez mes petits protégés, ça c'est un des bruits de couloir de la maison...

Infirmière : Si on commence à s'arrêter aux bruits de couloir... 

M. Psychiatre : Non, mais ça devient sérieux, parce qu'à la limite, c'est tellement depuis des années dans la tête des gens que les surveillants ne vous demandent même plus de travailler à des horaires différents quand ça le nécessite, ce qui est grave. C'est quelque chose que je voulais remettre en place. Vous n'êtes pour moi ni meilleurs, ni pires que les autres, même, à la limite, plus consciencieux que d'autres au niveau du boulot, il ne s'agit pas de faire une échelle, c'est pas ce que je veux dire, mais à ce niveau-là, il y a plein de points positifs. Mais c'est vrai que dans une évaluation, on devrait faire ressortir les deux et que ça faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé; il y a des points négatifs qui me paraissent forts et il fallait vous le dire. 

Surveillant-chef : Bon, les points positifs, ils sont... dans l'autre appréciation d'avant, j'avais mis des points positifs, bon; l'investissement et tout ça, ça c'est clair, mais, heu, bon, ce point négatif, il... C'est vrai que c'est sans doute un petit point négatif par exemple ce problème d'horaires, ça remet en cause quand même toute l'institution... 

M. Psychiatre : Ca a des conséquences sur toute l'institution, sur les relations entre infirmiers, c'est beaucoup plus important que vous ne le pensez. 

Surveillant-chef : Ceci dit, je n'ai jamais dit que globalement, c'était négatif. 

M. Psychiatre : C'est à cause de l'institution, ces horaires-là, que c'est... et à cause de la réforme de 87, de la restructuration. Les horaires ont été différents et puis la dernière restructuration d'horaires, c'est vrai que ça finit par... ce ne sera plus possible de vous faire travailler aux mêmes horaires, voilà. Ca c'est clair aussi, hein ? C'est une des choses qu'on a dites à votre mari et qu'on voulait vous dire, heu... Parce que moi, je n'ai rien contre non plus, je ne vous protège pas et je ne tiens pas du tout à ce que vous soyez toujours ensemble, mais j'ai toujours laissé comme consigne par contre aux surveillants, si c'est possible, de vous mettre aux mêmes horaires; bon, on le fait. Mais ça n'a jamais été une priorité, ça n'est pas possible que ça en soit une; alors dans une petite institution, maintenant avec toutes les unités de soin qu'on a, je crois que ça ne sera plus possible quand vous ne ferez plus les nuits. Voilà, ça aussi, c'est dit. 

Surveillant-chef : On a confirmé aussi que ce sera sans doute en mars, c'est pratiquement acquis. 

M. Psychiatre : Oui, ça vous laisse le temps de voir. 

Surveillant-chef : Tu souhaites ajouter quelque chose ? Faut en profiter. 

Infirmière : Moi, je trouve que depuis 87, je n'ai pas le sentiment qu'il y ait eu une grosse, grosse, amélioration au niveau de la prise en charge des malades. Je pense qu'il y a une baisse du niveau, globale. 

Surveillant-chef : C'est quoi, ça ? 

Infirmière : Une baisse de... une baisse de la relation, de la qualité de relation, une baisse de la qualité des soins. Je ne sais pas à quoi c'est dû. Une baisse du niveau de réflexion par rapport aux malades, une baisse de l'implication des gens. Bon, je le ressens comme ça.

 Surveillant-chef : Dans le service où tu travailles ? 

M. Psychiatre : Oui, oui, vous ne parlez que de ce service. 

Infirmière : Oui, mais, heu... 

M. Psychiatre : Je crois que ça correspond à une réalité. Ca, c'est certain, vous avez bien vu les choses. Bon, les causes, on ne va pas trouver les causes comme ça. 

Infirmière : Oui, c'est sûr qu'il y en a sûrement plein. 

M. Psychiatre : Il y a plein de causes, il y a plein de causes, mais je crois que dans l'ensemble, c'est vrai. 

Surveillant-chef : Oui, moi je pense qu'il y a une baisse d'implication, effectivement, de personnalité et tout ça. C'est évident. Le niveau de réflexion, peut-être pas. 

M. Psychiatre : Oui, ça c'est peut être... 

Surveillant-chef : La qualité de relation, il y a sûrement une baisse aussi. Par contre dans le sens que ça... au niveau structurel, j'ai proposé toutes sortes d'activités thérapeutiques qui sont peut-être mal reprises, tout ça, mais qu'on propose et qui n'existaient sans doute pas avant. Ca, ça a des côtés positifs qu'il faut noter aussi dans ce service. 

Infirmière : Oui, il y a une chose aussi que je voulais dire, c'est qu'étant donné que je travaille de nuit la plupart du temps, je ne suis pas à même de... 

Surveillant-chef : La qualité de relation, il y a sûrement une baisse aussi. Par contre dans le sens que ça... au niveau relationnel, sûrement ça... je crois que c'est tous les changements qu'on a pu avancer... 

M. Psychiatre : Ca a trop tourné. 

Surveillant-chef : Je crois qu'il faudra reprendre les choses, j'espère qu'on va avoir un peu de... 

Infirmière : C'est-à-dire que je pense que... 

Surveillant-chef : Dans le service où tu travailles, moi je pense. Parce que dans certaines structures, moi je constate le contraire. 

Infirmière : Oui, ça, moi je ne peux pas... 

Surveillant-chef : Mais dans ce service, sûrement. 

Infirmière : Il y a aussi une chose qui doit rentrer en ligne de compte dans ma façon de voir les choses, c'est le fait que j'aie été formée ici et qu'on avait, comparativement à beaucoup d'autres hôpitaux, une bonne école et je pense qu'on a eu aussi plein de données que n'ont pas forcément eu d'autres infirmiers dans leur centre de formation, et c'est peut-être aussi pour ça qu'on a eu une image du travail qui était peut-être supérieure à celle que beaucoup d'autres ont eu, et je pense que ça peut entraîner... 

M. Psychiatre : Oui, mais avec des défauts comme je disais tout à l'heure, c'est-à-dire le fait, parce qu'il n'y a pas que vous, je pourrais citer des noms, Unetelle, par exemple, à un moment, qui avait tendance à nier la maladie. Il y a des trucs, hein, là, des formateurs qu'il y a eu ici, j'en faisais partie, donc, heu, ce que j'ai dit dans les cours, c'est vrai que ce n'était pas parfait, mais c'était mieux que d'autres centres de formation; il y en a sûrement qui étaient mieux. Par contre ce n'est pas très bon de ne pas avoir connu autre chose. Mais ça n'était pas mal parce que... c'est assez curieux, on se dit finalement, bon, ça n'est pas parfait, mais ça n'est pas mal, ce qu'on fait. 

Infirmière : C'est une chose sur laquelle vous revenez souvent, quand vous dites que je nie la maladie... 

M. Psychiatre : Pas seulement vous... 

Infirmière : Si vous voulez, là où je peux, je peux peut-être essayer d'expliquer la façon dont je le vois. C'est-à-dire que je pense que les gens qui sont ici sont malades, mais je n'ai pas de la maladie une vision fixée... 

M. Psychiatre : Bien sûr. 

Infirmière : Et je pense que la maladie n'est pas quelque chose d'éternel, ce n'est pas inhérent à la personne qui arrive ici hospitalisée et je pense que dans la mesure où on a des moyens de sortir les gens de leur malheur, parce qu'il faut bien dire que..., eh bien, je pense qu'il est de mon devoir de faire tout ce que je peux pour le faire. 

M. Psychiatre : Oui, mais je vous dis, j'ai participé à la formation et considérer les malades mentaux comme des gens normaux, c'est aussi une façon de les guérir, mais quand je dis "nier la maladie", c'est qu'il y a quand même des nuances; il me semble que les gens, et pas seulement vous, n'ont peut être pas toujours intégré, je ne veux pas dire que vous n'avez pas compris, attention, je me méfie de ce que je dis, mais, heu, bon, ce n'est pas facile à expliquer. Bon, je reprends l'exemple, je ne sais pas si vous avez été dans le service A ? 

Infirmière : Oui. 

M. Psychiatre : Je repense, mais là, plus à Unetelle, vous voyez, ce n'est pas à vous, quand on parlait de B (un hospitalisé), "Ah! lui, il ne sort pas travailler, qu'est-ce que c'est que ce fainéant!". Mais B, c'est un grand malade et quand..., bon, il faut des années, il va déjà mieux, il est à l'appartement (un appartement en ville acheté par l'hôpital pour y louer des chambres à des hospitalisés après leur hospitalisation) et je pense que si un jour on l'insère, mais bon, le temps passe et puis, quand on l'insérera, ce sera peut-être dans une maison de retraite qu'il sera inséré, mais ça peut être pour lui la normalisation, hein ? Mais c'est un grand malade qui a des hallucinations; tout à coup il se retourne parce qu'il entend parler derrière lui, et ça, il y a des infirmiers du service A qui ne l'admettaient pas; il fallait que dans les six mois on fasse sortir B parce que c'était un fainéant qui à cet âge-là touchait une pension. Il y a une notion de temps aussi dans la maladie. Si vous voulez, c'est peut-être un défaut de jeunesse, quand je dis "nier la maladie", c'est un petit peu ça. 

Infirmière : Il y a une chose que j'aurais envie de dire par rapport au travail qui se fait, je trouve que les malades ne sont pas assez consultés pour les ... décisions qui les concernent. 

M. Psychiatre : Comment ? 

Infirmière : Eh bien, par exemple, reprenons, ça peut être le cas d'une activité, ça peut être le cas de... ils ne sont pas assez partie intégrante des décisions qui sont prises. 

Surveillant-chef : Oui, c'est exact, mais il faut faire attention aussi, là, ça va dans le sens de ce que disait M. Psychiatre, il y a..., il faut leur demander leur avis, il ne faut pas considérer qu'ils n'existent pas effectivement, mais il ne faut pas nier leur maladie aussi, je veux dire qu'il y a un tas de personnes qui... 

Infirmière : Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le problème... 

Surveillant-chef : Non, mais la psychose est là quand même, il ne faudrait pas l'oublier, quand tu parlais des problèmes de désir et tout ça, je crois qu'il faut que le soignant il ait un peu de désirs aussi, même pour le patient, s'il veut arriver à travailler avec la psychose. Autrement, s'il n'a pas de désir à sa place, il ne peut rien faire. Parce que le psychotique se renferme dans son délire. Donc c'est une des difficultés de la consultation de la personne par rapport à ça. 

M. Psychiatre : On a fait ça dans l'institution, on faisait des réunions de malades... 

Infirmière : Oui, c'était bien, ça. 

Surveillant-chef : On institue des groupes de parole. 

M. Psychiatre : Au bout de quelques temps, ils n'arrivent plus à faire des menus, ils n'ont pas de désir par rapport aux menus. 

Infirmière : Oui, mais le menu, bon, le menu... 

M. Psychiatre : Hé oui, mais c'est l'exemple, c'est un exemple, heu... 

Infirmière : Moi je parle des décisions importantes pour eux, je parle des trucs vitaux.

Surveillant : Des sorties par exemple ? 

Infirmière : Les sorties, oui, heu, c'est vrai, là, c'est sûr que... 

M. Psychiatre : Je ne vois pas ce qui vous fait rire comme ça, entre la différence entre le plaisir qu'on prend à prendre un bon menu, un bon repas, et puis le plaisir de sortir une journée, ça ne me paraît pas, le menu ne me paraît pas si peu important que ça, dans le sens de l'oralité, surtout chez les malades mentaux et chez les autres aussi, et ça me paraît quelque chose... 

Infirmière : C'est sûr... 

M. Psychiatre : Et à ce niveau-là le désir disparaissait quand on les laissait seuls sans insuffler quelque chose. Bon, ça, c'est un exemple.

Infirmière : Oui, absolument. 

M. Psychiatre : On l'a fait, ça, dans l'établissement et puis à un moment aussi, on a fait n'importe quoi; j'ai vu, des fois, bon alors, il y a une sortie, eh bien on va mettre Untel et Untel parce qu'il fallait combler, on collait les gens au hasard, c'était une connerie. Je crois quand même que les gens qui organisent les sorties, des choses comme ça, demandent peut-être moins l'avis aux malades, mais tiennent davantage compte de leur pathologie et du groupe qu'ils vont former en faisant la sortie. En tout cas, ça devrait se faire, c'est comme ça que ça devrait se faire. 

Surveillant-chef : Oh, l'avis, moi, c'est vrai qu'il est stimulant pour eux, bon, non ? 

Infirmière : Oui. Mais je pense que c'est important de pouvoir... peut-être qu'il y a aussi le mode de relation qui manque là. Parce que c'est important de pouvoir dire à quelqu'un : "Tiens, écoute, voilà, il y a cette opportunité-là", par exemple, on pourrait faire des réunions, et puis dire : "Voilà ce qu'on vous propose. De quoi avez-vous envie ?" 

Surveillant-chef : Non, mais le problème, ça s'est fait, mais le problème, c'est d'essayer de faire participer déjà les patients, bon, ça c'est une difficulté, mais ça c'est fait. Je veux dire qu'il y a des réunions dans l'institution qui permettent ça, les réunions du centre social (nom d'un service d'activités, interne à l'établissement), le lundi après-midi, c'était ça, c'est ça. Le lundi matin il y a une réunion du personnel, bon, elle n'est pas assez investie par le personnel, je suis d'accord, c'est dommage. 

Infirmière : Je ne peux pas parler de ce qui se passe aux réunions du centre social... 

Surveillant-chef : Non, mais je te dis, cet exemple est facile. Eh bien au bout du compte, la réunion a eu lieu avec les patients, elle a été préparée normalement avec le personnel d'abord. Bon, on fait des propositions, mais c'est vrai qu'à partir de maintenant on fait descendre certaines personnes et on a déjà prévu tout pour eux parce qu'on sait qu'on leur permet cette expression; si cette expression ne vient pas, je crois qu'il faut faire un peu pour eux. 

Infirmière : Oui ? Ce n'est pas évident qu'autrement il ne se passe rien, parce qu'en prenant l'exemple de la petite école, on n'a jamais rien décidé sans prendre l'avis des gens et ça marchait; et il n'y a jamais eu dans toute l'institution... 

Surveillant-chef : Je te parle pour certains patients. Dans toute l'institution, vous n'avez pas pris en charge tous les patients, quand même ! 

Infirmière : Non, on n'a pris que les gens qui étaient volontaires. 

Surveillant-chef : Oui, voilà, bon. Oui, non, non, mais, bon, c'est déjà le... c'est important, c'est aussi un privilège que de prendre que des gens volontaires, déjà. C'est bien d'avoir cette possibilité, mais je veux dire que la structure en tant que telle du service X ou du centre social, elle doit essayer de prendre en compte la plupart des patients. 

Infirmière : Oui, c'est sûr. 

Surveillant-chef : On n'a pas à tenir compte de ceux qui sont volontaires et de ceux qui ne sont pas volontaires. Et on a quand même constaté que si on s'intéresse qu'à ceux qui sont volontaires, les psychotiques, ils vont se retrouver dans leur lit. Il y a un groupe de parole tous les mercredis aussi... 

M. Psychiatre : Oui, oui, il y a des choses, mais c'est vrai que la nuit vous ne voyez peut-être pas trop... 

Surveillant-chef : Dans le groupe parole aussi, c'est une difficulté de les envoyer parler. 

Infirmière : Oui, parce que j'y ai participé, au groupe de parole, avant d'être de nuit, fallait souvent traîner les gens, effectivement, pour y aller. 

Surveillant-chef : C'est une difficulté, quand même, pour eux, non ? 

Infirmière : Oui, c'était... enfin, bon. 

M. Psychiatre : Voilà. Bon, il y a plein de choses d'autre à dire, mais il faut savoir se limiter, donc moi, je n'ai plus rien à vous dire. 

Infirmière : Bon. Eh bien je vais vous laisser. 

M. Psychiatre : D'accord, au revoir. 

Infirmière : Bonne soirée.

Suite : Lettre au Comité consultatif national d'éthique

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